« All Is Love and Pain in the Mouse Parade ». Cela peut sembler étrange, mais le titre — et l’âme même — du quatrième album du collectif islandais d’indie-folk Of Monsters and Men touche beaucoup plus profondément qu’on ne pourrait le penser.
Telle une tapisserie d’histoires, de moments et de conversations, l’album explore la manière dont l’amour et la douleur s’entrelacent. Des sentiments qui peuvent sembler opposés, mais qui coexistent et s’alimentent mutuellement.
Des récits grands et petits — de la solitude et du désir de vivre dans un immeuble entouré d’inconnus, aux rencontres manquées dans un supermarché, jusqu’aux vies et aux pertes d’une communauté de souris dans une maison abandonnée en hiver.
Les co-chanteurs et paroliers Nanna Hilmarsdóttir et Ragnar Þórhallsson se retrouvent souvent à raconter des histoires depuis deux points de vue différents. L’album aborde « la dualité des choses — là où il y a de l’amour, il y aura forcément de la douleur. On ne peut pas vraiment avoir l’un sans l’autre », explique Nanna. « Il est inspiré de nos vies, de nos familles, de notre communauté et des générations qui nous ont précédés. Nos vies, comme les leurs, forment la Mouse Parade. »
« D’une certaine manière, c’est un album sur le fait de grandir, mais d’une autre façon, c’est aussi un retour à la maison en faisant la paix avec le passé », ajoute Ragnar.
Au cours des six années qui ont suivi leur dernier album, Fever Dream, la sensation indie islandaise a eu le temps de prendre du recul. En tournée jusqu’à ce que la pandémie impose une pause, le quintette a sorti un EP et un documentaire avant de se lancer dans quelques projets solos — dont la parentalité. Une respiration bienvenue après le rythme effréné qui les portait depuis l’immense succès de Little Talks en 2011.
« Après dix ans à tourner sans arrêt dans le cycle album-tournée, il s’agissait d’une réévaluation des choses », admet Nanna. « Nous avons enfin eu le temps de reculer d’un pas et de nous dire : “Oh, nous sommes adultes maintenant.” Nous nous installions dans une vie qui n’était plus seulement celle d’un groupe. C’était clairement le moment de repenser les choses. »
L’Islande est connue pour sa communauté petite et soudée, et les meilleurs amis ne se sont jamais vraiment éloignés les uns des autres. Quand est venu le temps de travailler sur leur prochain disque, ils ont choisi de changer de décor et de se passer de label pendant un temps afin de « retrouver la connexion que nous ressentions à nos débuts ». Le son et l’énergie de l’album ont suivi cette démarche dans l’idée de « beaucoup s’amuser et retrouver ce sentiment fondamental », explique Ragnar.
« En général, nous nous retrouvions dans leur studio vers 10 h du matin, nous préparions un mauvais café et discutions de tout et de rien avant de nous plonger dans la musique. »
« L’enregistrement de l’album nous a pris, par intermittence, environ deux ans », partage Ragnar. « Nous sommes généralement assez lents en studio parce que nous aimons revisiter les morceaux, créer de nouvelles versions, ajouter des couches et de petits détails ici et là. C’est important pour nous de ressentir dans la musique le passage du temps. »
Nanna acquiesce : « Nous voulions que cet album donne l’impression d’un groupe qui se réunit pour jouer — de miser sur la chimie du groupe et d’embrasser le chaos que cela apporte. Il nous semblait essentiel d’être ensemble, au sol, en train de jouer. »
Cette alchimie pure et instinctive a posé les bases de All Is Love and Pain in the Mouse Parade, dans un esprit d’ouverture et en laissant les chansons trouver leur propre chemin une fois l’essence captée. Comme le révèle Ragnar, cela signifiait « accepter les imperfections et ne pas trop intellectualiser ».
« Nous voulions créer quelque chose qui inspire l’espoir alors que le monde semble sombrer sans cesse dans le chaos », poursuit Nanna. « L’Islande joue un rôle immense dans cet album et a toujours été notre ancrage. Faire cet album nous a permis de nous perdre totalement dans notre propre univers et de retrouver ce sentiment fondamental d’être un groupe et de faire de la musique ensemble. Sur le plan créatif, cela nous a rappelé l’époque où nous venions juste de commencer, mais évidemment les circonstances sont un peu différentes maintenant avec des familles qui grandissent et la vie qui nous entraîne dans diverses directions. »
Le retour à l’essentiel, l’approche organique : tout cela a conduit le groupe à réfléchir à la manière dont nous cohabitons et nous relions les uns aux autres. Tout au long de l’album s’étire une série de « conversations à travers le temps » qui questionnent la solitude, les relations et les liens entre passé et présent. Auto-produit par le groupe avec l’aide, sur quelques titres, de Josh Kaufman (The National, Bob Weir, Bonny Light Horseman) et de Bjarni Þór Jensson, ami de longue date, ingénieur et collaborateur, l’album dégage cette chaleur réconfortante proche du hygge (mot d'origine danoise et norvégienne faisant référence à un sentiment de bien-être, une humeur joyeuse et une atmosphère intime et chaleureuse). Prenons le single phare et aérien Television Love. « Quand nous avons écrit cette chanson, nous y travaillions un moment puis nous la laissions de côté, pour y revenir à différents moments de nos vies », raconte Nanna.
Ragnar confirme : « Cela me rappelle la façon dont les gens s’envoyaient des lettres autrefois. On essayait d’y mettre le plus de choses possible, puis, un an plus tard, une lettre arrivait avec toutes les réponses. C’est romantique, d’une certaine manière. »
Ailleurs, le groupe s’attaque à l’isolement et au sentiment de ne pas réaliser son potentiel dans Tuna In The Can, tente de donner du sens à ses propres pensées dans Kamikaze, s’abandonne aux élans estivaux de Ordinary Creature et cherche un lieu appelé maison dans Styrofoam Cathedral, autant de luttes autour du sens et de la communauté dans une tentative de nous rassembler.
« Le monde est réellement en train de s’effondrer et pourtant nous continuons à vivre quand même », disent-ils au sujet du titre final The End. Amen. C’est une autre fresque épique mais intime signée d’un groupe qui entre dans un nouveau chapitre tout en célébrant ses origines — toujours, au fond, ces mêmes amis qui avaient écrit le colossal Little Talks, devenu un phénomène mondial cumulant des centaines de millions d’écoutes.
« Nous avons traversé toutes les émotions concernant cette période. Parfois on veut se battre contre, mais aujourd’hui nous sommes simplement reconnaissants d’avoir vécu ce moment », explique Nanna à propos de leurs débuts fulgurants — une aventure qu’ils ont su maintenir avec la reconnaissance de la critique et de nouvelles générations de fans au fil de bientôt quatre albums.
« Il y a un noyau de personnes qui ont grandi avec nous et qui entretiennent un lien profond avec notre musique », conclut Ragnar. « Nous nous suivons mutuellement à travers la vie. C’est magnifique de voir des gens qui ont l’impression de retrouver un vieil ami. C’est exactement ce que je ressens quand je n’ai pas sorti de chanson depuis un moment. »
"Of Monsters and Men sont de retour avec leur single le plus puissant à ce jour." - The 405