Thus Love
La stimulation est facile à trouver de nos jours. Les plateformes de streaming et les réseaux sociaux nous offrent d'innombrables moments éphémères de distraction qui maintiennent les "zones de plaisir" de notre cerveau, activées du matin au soir. Mais pour une époque censée être hédoniste, le véritable plaisir — celui qui nourrit notre âme plutôt que de l'épuiser, qui nous fait réellement nous sentir bien plutôt que de simplement nous distraire du fait que nous nous sentons mal — est étonnamment rare.
Le deuxième album de THUS LOVE, groupe de Brattleboro, Vermont, est plein de cette euphorie nourrissante. Il oscille, tremble et avance avec une combinaison de brutalité et de sensualité qui a été difficile à retrouver dans la musique récemment. Il remplit votre esprit de mélodies accrocheuses et piquantes qui, une fois ancrées, ne vous quittent plus. Il frappe les nuages et vous donne envie de faire de même. Il s'appelle, à juste titre, All Pleasure.
L'album est né d'une période de croissance et de transformation vertigineuse pour le groupe. Lorsque les membres ont commencé à travailler dessus, le chanteur guitariste Echo Mars (iel) et le batteur Lu Racine (il/iel) étaient encore sous le choc du succès fulgurant de leur premier album Memorial en 2022 — un ensemble de post-punk luxuriant et élégant qui a été salué par The FADER, le NME et le Guardian, marquant un passage du calme de Brattleboro aux scènes des États-Unis et du Royaume-Uni pour le groupe — tout en gérant le départ du bassiste fondateur Nathaniel van Osdol. Pendant ce temps, la nouvelle bassiste Ally Juleen (elle/iel) et le guitariste/claviériste Shane Blank (il) — partenaires musicaux de longue date — ont chamboulé leur vie pour s'installer dans une petite ville du Vermont et rejoindre un groupe qui était à un mois d'enregistrer la suite d’un album déjà culte pour le public.
« Nous nous sommes tou·te·s réuni·e·s pour créer quelque chose de nouveau et franchir une nouvelle étape, » explique Mars. « Nous faisons de la musique depuis un moment, et nous avons tou·te·s été confronté·e·s à des aspects de cette activité qui sont épuisants et peu agréables. » Lorsque le groupe s'est retrouvé dans une grange en forêt que Mars avait transformée en studio d'enregistrement et que le groupe appelle leur "Hobbit Hole", iels ont gardé une règle simple en tête : « Si ce n’est pas joyeux, » dit Mars, « ne le faites pas. »
Ce qui a émergé de cette simple mission est un album d'une beauté stupéfiante, plein de grandes mélodies épiques et de toute une série de tournures stylistiques audacieuses qui surprendront les auditeurs ne connaissant uniquement le groupe pour le psychédélisme 80’s de leur premier album. « Birthday Song » offre du glam rock grunge avec un rythme nouveau pour le groupe, mais qui lui convient parfaitement, grâce à un refrain transcendant qui souligne l'hommage lyrique d'Echo à la joie collective. « Get Stable » transmute la panique existentielle - “I can't get stable / Is that what I'm afraid of ?” - en une pop punk aux angles acérés. La titre phare de la tracklist - la dernière chanson écrite pour l'album et la première écrite par l'ensemble du quatuor - est en quelque sorte la déclaration de mission de l'album, Echo et Ally se partageant les parties vocales pour rendre hommage à la puissance de la création joyeuse : « Je ne plane pas mais je me sens bien », chante Echo, « Comme une drogue mais je ne redescends pas. »
Mixé par Matthew Hall et Rich Costey (sur « Birthday Song », « All Pleasure » et « Get Stable ») et masterisé par Bob Weston, All Pleasure a été enregistré aussi live que possible, avec un minimum de re-recordings, capturant l'extase infectieuse pure venant d'un groupe de personnes partageant un espace commun et produisant un vacarme divin. En plus d'être un excellent album, c'est aussi un argument convaincant pour laisser tomber l'algorithme, sortir du réseau et trouver une grange où se terrer avec quelques amis et un tas d'instruments. Sur « House on the Hill », Echo résume de manière narquoise le sentiment de vide que procure le fait de vivre pour rien d'autre que des likes : « Tout pour la commodité / tout pour insta », chante-t-iel. « On a l'impression qu'on ne sortira jamais d'ici. » Écoutez All Pleasure, puisez dans l’énergie et le message que THUS LOVE transmet, et vous pourriez bien trouver une échappatoire.
- Miles Raymer