The Lemon Twigs
Après la sortie de "Everything Harmony", salué par Questlove, Iggy Pop, Anthony Fantano, The Guardian et de nombreux autres, The Lemon Twigs, le groupe de rock de New York mené par les frères Brian et Michael D'Addario, ont une fois de plus captivé l'attention du public mélomane. Ils sont actuellement dans une phase de “retour” prématuré, et revenir aussi tôt présente certains avantages : les deux frères ont l’énergie de jeunes hommes de 24 et 26 ans, tout en bénéficiant de l’expérience et du talent d’auteurs-compositeurs chevronnés. Après tout, ils ont enregistré leur premier album, Do Hollywood, il y a presque une décennie, alors qu’ils n’avaient que 15 et 17 ans.
Moins d'un an après la sortie de leur dernier album, "A Dream Is All We Know" est un événement plein de joie. Comme son titre l’indique, il s'agit moins d'un regard sobre sur le côté sombre de la vie que d'un voyage plein d'espoir dans le royaume des rêves. Le ton s’est éloigné des ballades mélancoliques et du power pop introspectif. Brian et Michael revisitent leur son “1968”. Cet album semble étroitement lié à Do Hollywood, mais leurs techniques de composition et d’enregistrement se sont considérablement améliorées au fil de cinq albums.
Les frères combinent des éléments du Merseybeat, des harmonies californiennes des Beach Boys et du Bubblegum pop pour créer une collection unique de pépites pop. (Ils qualifient d’ailleurs leur style de nouveau mouvement Merseybeach, censé faire des adeptes—mais cela reste à voir.)
Le sentiment d’urgence qui imprègne le single principal, My Golden Years, provient autant des guitares 12 cordes cristallines et des percussions entraînantes que de l’anxiété du narrateur, conscient que ses “années dorées” lui échappent. La ligne de Michael, “In time I hope that I can show all the world the love in my mind”, pourrait résumer l’intention de tout l’album : une course contre la montre pour produire le plus de pop de qualité possible.
They Don’t Know How To Fall In Place propulse l’album dans un paradis Bubblegum, porté par des harmonies euphorisantes et un clavinet incisif, tandis que Church Bells, inspiré par Roy Wood, embarque l’auditeur dans un voyage de deux minutes et neuf secondes. Chaque instant dévoile un nouvel instrument, et lorsque Michael chante “ring goes the bell”, le batteur passe sur la cloche du cymbale ride, révélant le morceau comme un poème pop où se mêlent violoncelles, mandoline et trompettes, tous joués par Brian. Sans oublier le jeu de mots sur Ringo Starr—un clin d’œil au célèbre batteur inséré dans un morceau qui fusionne des images du West Side de Manhattan avec l’ambiance du nord de l’Angleterre. Ensuite vient A Dream Is All I Know, une épopée existentielle aux accents futuristes, suivie du pocket-prog baroque Sweet Vibration.
Dotés d’un talent d’écriture digne d’une époque révolue (quelque part entre le Brill Building et le 10452 Bellagio Road), les frères ont soigneusement arrangé et produit leur album en intégralité avec du matériel analogique dans leur studio de Brooklyn. La plupart des morceaux ont été enregistrés en duo, Brian et Michael échangeant les instruments et superposant chaque partie eux-mêmes. Une exception notable : In The Eyes Of The Girl, coproduit par Sean Ono Lennon dans son studio du nord de l’État de New York, où les frères ont enregistré batterie et piano pendant que Lennon assurait la basse. Par-dessus, ils ont ajouté des harmonies multicouches évoquant The Beach Boys, The Four Freshmen et The Free Design.
Le morceau qui ouvre la seconde face, If You And I Are Not Wise, fait résonner les harmonies serrées des Everly Brothers tout en cherchant une illumination spirituelle à travers la ligne “I wish that someone could tell me what my soul knows that I don’t know.” Brian explique : “Il y a définitivement une dimension d’évasion dans cet album. Une musique joyeuse peut t’extraire du monde quand tout devient trop pesant, et tout le monde a besoin de ça de temps en temps.”
How Can I Love Her More? est un tourbillon de trouvailles musicales. Cors et cordes éclatants ouvrent le morceau avant qu’il ne s’installe dans un shuffle endiablé, agrémenté de deux batteries, d’une ligne de basse aventureuse, de theremin, de flûtes et de clavecin. Un véritable collage sonore, rempli de virages inattendus, mais qui ne sombre jamais dans le chaos. Il s’enchaîne directement avec Ember Days, plus épuré et méditatif, porté par un motif en nylon à mi-chemin entre la bossa nova et Nick Drake. Mais la quiétude est de courte durée : Peppermint Roses explose avec un Farfisa menaçant, donnant naissance à une comédie cauchemardesque en deux parties qui ne laisse aucun répit. L’album s’achève sur I Should’ve Known Right From The Start, une rêverie pop aux allures de chanson française oubliée, portée par une guitare acoustique arpégée, une basse mélodique et des percussions accrocheuses.
Bien que l’album regorge d’idées pop progressives, il se clôt sur une ode au rock’n’roll des origines avec Rock On (Over and Over). Ce morceau replace le groupe dans une tradition rock ininterrompue—chaque décennie ayant vu émerger des artistes qui réinventent ce son et le “push it on down to the line.” Mais aucun ne l’a fait avec autant de minutie et de talent brut que ces deux frères. Pour The Lemon Twigs, il aura fallu presque une décennie avant que la critique et le public leur accordent enfin les honneurs mérités cette dernière année. Si leurs premiers albums étaient salués pour leur virtuosité musicale, leurs récents disques traduisent leurs idées avec plus de clarté et d’émotion. En d’autres termes : “It took too long to say ‘rock on.’”