Stephen Malkmus
Quand Stephen Malkmus a débuté sa carrière au début des années 90, en tant que leader et principal fondateur de Pavement, le milieu de la musique auquel il était associé n'aurait pas pu être plus éloigné des sons techno-rave de l'époque. La musique dance électronique, à l'époque comme aujourd'hui, portait sur la précision post humaine, les textures synthétiques et la clarté hyper-numérique. Tandis que le mouvement lo-fi dans le rock underground prônait une ode à la paresse, aux aspérités et à la chaleur brute - cent nuances subtiles de distorsions et d’abrasions.
Retour au présent, voici Malkmus et son Groove Denied - le premier album solo de Stephen sans ses camarades des Jicks depuis 2001. Enregistré avec Ableton Live, Malkmus a troqué sa section rythmique à propulsion humaine par un arsenal de boites à rythmes et une série de plug-in et de « soft synths ». Il compare le processus de construction de chaque piste à la façon dont ses enfants « fabriquaient des personnages sur [son] iPhone : choix de la couleur des cheveux, des robes, etc. Découper et déplacer les ondes. Un style s’inspirant du scroll d’Apple. »
Mais Groove Denied n’est pas vraiment une plongée dans l’EDM ou l’hiptronica. En fait, l’album ne contient aucune piste purement instrumentale. Chaque chanson est précisément cela : une chanson comportant l’ADN de Malkmus comme une mélodie habilement tordue et des paroles ambigües. Groove Denied, c'est Stephen qui fait l’école buissonnière, s’échappe de sa routine. Comme le dit Malkmus, "C’est fun de jouer avec des trucs que vous n’êtes pas censé faire." Cette rupture remonte au début de cette décennie, lorsque Malkmus vécut à Berlin pendant deux ans et découvrit la scène club de la ville. Il a fait des incursions dans les célèbres fêtes nocturnes de la ville et est devenu fasciné par la techno : « la musique peut être géniale… vous pouvez vous échapper, danser et vous concentrer sur la musique - ou tout simplement vous enivrer ! »
Décrire Groove Denied comme étant le Low de Stephen Malkmus ne serait pas totalement hors de propos, ni une référence historique trop facile. Bien que largement enregistré en Oregon, l’essentiel de l’album a été écrit alors qu’il vivait à Berlin. Et si la méthodologie derrière Groove Denied est absolument celle du XXIème siècle, les références de la palette sonore remontent quant à elle à l’ère pré-numérique. « Je voulais que le côté musique électronique de l'album, sonne pré-internet », explique Stephen.
Groove Denied va bouleverser les idées reçues sur Malkmus et sur ce qu’il est capable de faire, le repositionnant ainsi dans l’ordre des choses. Mais sous un angle différent, son engagement envers la technologie numérique est tout à fait logique. Après tout, la lo-fi des années 90 - le son dans lequel Pavement et lui étaient initialement reconnus en tant que leaders et pionniers - n’était rien d’autre qu’obstinément sonique - il s’agissait uniquement du grain, des textures de guitare, des traitements et effets immodérés. Un hymne au bruit. Comme Stephen l’a récemment tweeté à propos de l’omniprésence de l’Auto-Tune dans la création musicale contemporaine : « Nous attendons des transformations… et nous, les êtres humains, nous aimons tous ces putains d’outils. »