Savanah
Il y a rêver sa vie et faire de sa vie un rêve. Dans ce domaine, Savanah excelle, et quiconque ne pourra dire qu’elle n’est pas déterminée. Agathe, avant d’être Savanah, c’est d’abord cette fille de Romans-sur-Isère qui rêve de danse et de cinéma, d’un monde utopique et créatif, bien loin des diktats. Une ado fan de David Lynch et Mulholland Drive, dont elle partage d’une certaine façon le destin de l’une des héroïnes. Agathe, oui, est comme Betty, venue dans la Cité des Anges dans le film, pour espérer vivre du 7ème art. À l’inverse de Betty cependant, c’est ensuite vers la musique que Savanah s’est plongée.
En essayant absolument tout : « monter » à Paris sans un sou ni aucun réseau, subir un boulot de café pour vivre, à se demander parfois : « mais qu’est-ce que je fous là ? ». Pas étonnant que ses titres oniriques et vaporeux soient aujourd’hui inspirés de Lana Del Rey, elle aussi passée de serveuse aux concerts complets. D’abord actrice, donc, puis musicienne, Savanah touche à tout avec sa créativité en bandoulière. Quitte à en perdre parfois la raison : Villes Noires évoque d’ailleurs ce sentiment. Celui de tout essayer, s’accrocher, parfois perdre puis recommencer. Se perdre dans le noir des villes (ici Paris) espérant toucher du doigt un rêve qui semble parfois inatteignable.
Du rêve à la réalité
Jusqu’au jour où tout se joue, parfois l’histoire d’une rencontre. Celle importante dans la vie de Savanah, c’est le musicien H-Burns. Avec lui, elle façonne ses productions, les rend « dreamy » à la Cigarettes After Sex, les habille de nappes de clavier à la Beach House. Savanah s’inspire aussi du compositeur Angelo Badalamenti comme de London Grammar, parmi ses références.
Dans ses morceaux fabriqués à l’envolée sur son piano, elle aime évoquer les choses tristes et douloureuses de la vie sur des mélodies brumeuses mais parfois joyeuses. Comme un tableau en clair-obscur, Savanah et Agathe sont une même personne mais qui se distinguent. L’une éblouit, l’autre est plus ténébreuse. Son premier EP, à paraître en janvier 2025 via Yotanka, en est la parfaite synthèse : une musique enveloppante, sensuelle et lumineuse, mais aussi sombre et orageuse. Enveloppante par ses productions mélancoliques, ses synthés chimériques. Sensuelle par sa voix cristalline, ses textes parfois charnels. Orageuse par ses accords mineurs, ses couleurs teintées de noirceur, comme dans le texte de Dernier Endroit sur un deuil difficile à faire.
Accompagnée sur scène par Adeline Jasso, guitariste de Cat Power, Savanah distille ses questionnements les plus profonds dans des mélodies qui caressent l’âme. Au-delà d’avoir persévéré, elle a aujourd’hui réussi : preuve en est une nouvelle fois que, jusqu’à preuve du contraire, les rêves peuvent devenir réalité.