Depuis le début, l'histoire de Royal Blood est celle de deux amis de longue date, Mike Kerr et Ben Thatcher, dont la passion commune pour le hard rock les a conduits à vivre ensemble une aventure extraordinaire - une histoire qui n'a pas encore été répétée, et qui constitue un exploit aussi rare que remarquable. Un jour, ils se demandaient comment récupérer les maigres 300 livres sterling qu'ils avaient dépensées pour leur premier enregistrement, puis, en l'espace d'un an, ils étaient en tête des classements d'albums au Royaume-Uni, prenaient d'assaut Glastonbury et remportaient le BRIT Award du meilleur groupe britannique.
La vision initiale du duo reflétait l'authenticité des groupes qu'ils avaient admirés en grandissant. "L'objectif était simplement de faire de la musique pour nous-mêmes et l’un pour l’autre, et nous pensions que c'était le seul moyen fiable de mesurer la qualité de la musique que nous faisions", explique Mike. "Il n'a jamais été question de créer de la musique en fonction des attentes du monde extérieur."
C'est une attitude qui définit toujours tout ce qu'ils font. Une fois qu'un album est sorti, ajoute-t-il, les opinions des autres échappent à son contrôle. Une fois ce bruit extérieur éliminé, la seule chose qui compte, c'est qu'ils sont tous les deux fiers de la musique qu'ils ont créée. C'est une question de confiance, d'indépendance et d'adhésion à tout ce en quoi vous croyez.
Il est inhabituel qu'une approche aussi intransigeante aboutisse à ce qui semblait être une success story fulgurante. Mais, comme l'explique Mike, la réalité a été quelque peu différente. "Personne ne voit ces années passées à jouer dans de nombreux groupes, tout cela est balayé sous le tapis parce que l'autre histoire est magique et bien plus merveilleuse." Avant leur percée soudaine, Mike et Ben jouaient déjà ensemble dans plusieurs groupes depuis des années, souvent dans des circonstances peu glorieuses, comme cette fois dans un pub où l’on leur a demandé d’arrêter de jouer après deux chansons parce que le volume sonore empêchait les clients de dîner.
Ben compare leur lente ascension à celle d'IDLES ou d'Architects : ils sont ensemble depuis un temps similaire, mais les débuts de Royal Blood se sont déroulés loin des yeux du public. Ben se souvient : "Nous jouions ensemble dix ans avant que Royal Blood n'explose, alors quand cela s'est produit, nous étions très bien préparés musicalement".
Avance rapide jusqu'en 2022. "Typhoons" s'est avéré être un troisième chapitre réussi de l'histoire de Royal Blood, avec un nouveau triplé en tête des classements d’albums (l'autre étant pour "How Did We Get So Dark ?" en 2017), souligné par une énorme tournée dans les salles britanniques et une série de dates dans des festivals internationaux. Leur créativité était à son comble, comme en témoigne le single autonome "Honeybrains", mais il n'y avait pas de plan structuré pour la suite.
Or, il s'avère que c'est exactement ce dont ils avaient besoin. Ils se sont concentrés sur l'instinct plutôt que sur l'analyse, sur les sentiments plutôt que sur la réflexion et ont laissé les chansons venir naturellement - un processus stimulé par la liberté de se rendre dans leur studio près de chez eux, à Brighton, dès qu'un moment d'inspiration se présentait. Si tout a changé pour Royal Blood au cours de la décennie précédente, la raison pour laquelle ils ont formé le groupe est restée inchangée : la joie simple de voir Mike se brancher, Ben prendre ses baguettes, et faire du son par plaisir.
"Il y a certainement une part de cette mentalité qui consiste à agir de manière impulsive quand personne ne regarde, et c'est ce qui ressort de notre premier album", affirme Mike. "Je pense qu'il nous a fallu du temps pour boucler la boucle."
De manière tout aussi importante, ils ont mis de côté toute idée préconçue de ce que Royal Blood devrait être. Encouragés par l’excellente réaction suscitée en concert par le morceau, "All We Have Is Now", basé sur le piano, ils se sont donné la liberté d'embrasser d'autres idées, se laissant de temps à autres guider par les mélodies plutôt que par les riffs et les rythmes, et déployant parfois l'instrumentation qui leur semblait la mieux adaptée aux chansons. En cas de doute, ils reviennent à leur conviction première : le son de Royal Blood n'est pas défini par le genre ou les instruments dont ils jouent, mais par l'alchimie unique forgée par les deux amis.
Alors que le récent single "Mountains At Midnight" offrait une version survoltée de Royal Blood à l'ancienne, l'album qui en résulte, "Back To The Water Below", offre de nombreuses surprises sans jamais compromettre l'essence de leur identité. "Shiner In The Dark" apporte une touche rock 'n'roll aux patterns précis et dansants qui rythmaient l'album "Typhoons ". Dépourvu de distorsion, ‘The Firing Line’ représente un écart plus important, avec son ton alt-rock 90’s et sa sous-couche de psychédélisme, sublimée par une mélodie de piano carillonnante. ‘Pull Me Through’ va encore plus loin, unissant le piano plaintif à un dénouement plein de vigueur. Ce sont des chansons qui offrent non seulement un spectre plus large d'émotions, mais qui fournissent également des contrastes pour amplifier la puissance de leurs moments les plus enflammés."
Comme l'explique Ben, "Observer Mike, la progression de son écriture, le voir de tester des accords différents, ce qui est le cas pour la plupart des morceaux de piano, c’est vraiment intéressant et unique. Je pense que c'est un élément important de cet album. "
La décision de produire l'album de manière entièrement indépendante pour la première fois a été déterminante pour leur libération créative. "Je pense que parfois, le fait que quelqu'un vous fasse essayer des choses que vous ne feriez pas normalement peut être utile, mais cela peut vous amener à faire quelque chose qui n’est pas raccord avec votre personnalité et, par conséquent, quelque chose qui n'est pas naturel", déclare Mike.
Ben acquiesce. "C'est normalement la première chose que l'on fait qui est la plus naturelle. Ensuite, nous explorons d'autres idées et d'autres façons de faire les choses, ce qui nous fait voyager. Cela vous aide à réaliser que ce que vous aviez au départ était la bonne chose à faire".
Ces deux déclarations laissent entrevoir le lien quasi intuitif qui unit les deux hommes. Mike semble réfléchir attentivement à chacune de ses déclarations, mais il est également prêt à partager ses idées sur toutes les questions qui lui sont posées. Quant à Ben, il laisse son coéquipier faire le gros du travail, mais il intervient régulièrement en faisant une observation succincte pour souligner le point de vue de Mike ou en lançant une plaisanterie pour changer de ton.
Ils sont particulièrement animés lorsqu'ils évoquent certains de leurs souvenirs communs, qu'il s'agisse de la façon dont Ben a continué à jouer de la batterie le week-end dans un groupe de reprises, même après que Royal Blood ait signé son premier contrat d'édition (Mike : "Ben adore jouer de la musique, alors plus il jouait de la batterie, mieux c'était") ou de l'émerveillement de Ben face à l'immense foule qui les a accueillis lors de leurs débuts à Glastonbury ("Nous sommes montés sur scène et il y avait plus de gens qui attendaient à l'extérieur de la tente qu'il n'y en avait à l'intérieur").
La folie qui a suivi leur a semblé étrangère, mais leur amitié et leur musique leur ont servi de point d'ancrage. Leurs propres héros étaient connus pour leur musique plutôt que pour leur célébrité, et c'est précisément ce que Royal Blood a reproduit. C'est une fraternité, une bromance, une mentalité "nous contre le monde". Ou, pour reprendre les mots étonnamment tendres de Ben : "Je pense que l'amour mutuel est là, et que nous sommes toujours présents l'un pour l'autre. Il y a beaucoup d'amour et d'attention".
Ces principes modestes mais puissants continuent d'influencer l'avenir de Royal Blood. "Je pense à l'innocence de nos débuts et je suis fier", déclare Mike. "Malgré le chemin parcouru, l'éthique du groupe est restée la même et nos intentions n'ont pas été ébranlées."